Club de lecture, L'observatoire

Rentrée littéraire – Club de lecture – Eichmann à Buenos Aires – Ariel Magnus, L’observatoire

Ce livre décrit les années passées en Argentine par Adolf Eichmann, l’architecte de la déportation des Juifs vers les camps de la mort, dans les années cinquante. Son intérêt repose sur un paradoxe : il est à la fois un roman, c’est-à-dire qu’il ne revendique pas la véracité historique. Il est donc écrit de A à Z en se mettant dans la tête d’un des plus grands criminels de tous les temps (observant le monde, réfléchissant à son ancien « travail », inabouti à ses yeux – seulement cinq millions de morts sur la conscience !!! -, à son sort de nazi contraint à la clandestinité, etc.), mais, en même temps, il est écrit par un journaliste qui, à ce titre, a veillé à s’inspirer des meilleures sources bibliographiques, notamment les propres écrits de Eichmann. Cela donne un prétendu « roman » qui se concentre sur les pensées les plus intimes d’Eichmann pendant toutes ces années péronistes et qui, en réalité, n’attache que très peu d’importance au déroulé chronologique de la vie d’Eichmann en Argentine.

On y découvre un homme d’une froideur épouvantable (y compris avec ses enfants), d’un mépris absolu pour les Juifs, machiste, abreuvé d’idées totalitaires et, comme le dit l’auteur, un « assassin timide ». Le livre démarre avec le rapatriement discret de sa femme et ses trois enfants qui arrivent à Buenos Aires grâce au réseau qui organise l’exfiltration des dignitaires nazis depuis l’Allemagne, jusqu’à la capture d’Eichmann par une quatuor de jeunes juifs traqueurs d’ex nazis, en passant par l’obsession de celui-ci à vouloir raconter ses mémoires alors qu’il sait qu’il doit absolument rester discret s’il ne veut pas qu’on retrouve sa trace, cette vanité revancharde étant un des aspects de sa personnalité. On y voit aussi défiler quelques autres nazis avec lesquels il entretient des relations nostalgiques de l’horreur. On y voit tous les détours intellectuels qu’il emprunte pour justifier l’horreur de ses actes et sa haine viscérale des Juifs.


Malgré quelques passages (heureusement rares) où les phrases s’étirent sur une demi-page et ne brillent pas par leur clarté, c’est bien écrit et je ne l’ai pas lâché d’une semelle. Sobre mais glaçant !!

Un avis de Philippe

L'observatoire

Le Poids de la neige, Christian Guay-Poliquin, éditions de l’Observatoire

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Si vous êtes nostalgiques de l’hiver – le rude, le vrai – et/ou amoureux de belles écritures, plongez-vous sans tarder dans ce roman du jeune écrivain québécois, Christian Guay-Poliquin.

Alors qu’il rentre dans son village natal après dix ans d’absence, un jeune homme est victime d’un accident. Le village étant coupé du monde par une énorme panne d’électricité, l’accidenté est pris en charge par Matthias, lui-même immobilisé contre son gré et impatient de repartir par le prochain convoi afin de retrouver sa femme malade. Entre les deux hommes, c’est une histoire de silence, de regards, de mots progressivement échangés, mais toujours avec retenue et pudeur. Mais Le Poids de la neige, c’est aussi un roman sur le fil ténu qui sépare et relie les hommes dans l’adversité, constamment tiraillés entre solidarité et individualisme, entre générosité et égoïsme. Un roman d’une grande humanité porté par une écriture sublime.