Déborah Levy-Bertherat nous avait charmées, il y a deux ans, avec son superbe roman Les fiancés ; elle revient aujourd’hui avec un troisième récit, intitulé Le châle de Marie Curie. Encore une fois, l’auteure aborde avec délicatesse et humanité une thématique qui, de prime abord, pourrait faire peur aux lecteurs : la maladie, en l’occurrence, le cancer du sein qui touche ses deux héroïnes, Elsa et Kahina.
La première est juive française, la seconde musulmane kabyle. Elsa a 39 ans, pas d’enfant, si ce n’est les petits êtres crayonnés qu’elle fait naître sur le papier (le dernier en date, qu’elle esquisse tout au long du roman, est un enfant-loup bondissant, prénommé Camille, fille ou garçon, elle ne sait pas encore) ; Kahina a 57 ans, douze enfants, dont seul le dernier est né au pays, un petit bout d’homme qui grandit et qu’elle sent lui échapper d’autant plus vite depuis qu’elle est partie pour se faire soigner en France.
Les deux femmes se rencontrent une nuit, dans cette chambre de l’hôpital Marie Curie où elles doivent chacune subir une opération le lendemain. Elsa n’en est pas à sa première et envisage les choses avec une relative sérénité ; Kahina est plus inquiète : on lui a dit que c’était « juste » un kyste, mais n’a-t-on pas voulu la protéger en lui cachant la vérité ? Au cours de cette nuit, Elsa et Kahina vont s’échanger des paroles, des silences, des contes et des souvenirs. Elles vont dire ou taire ce qu’elles ont de plus intime. Partager des makrouts aux dattes et du lait étoilé. Tisser un lien invisible pour affronter l’inconnu qui les attend au matin.
Si la maladie et la mort sont des sujets qui font peur, la littérature – et le roman, en particulier – est sans doute l’un des biais le plus propice pour les appréhender. Déborah Levy-Bertherat ne craint pas d’explorer l’intime et de nous inviter à plonger en nous-même accompagnés de personnages attachants, ordinaires mais singuliers, comme chacun d’entre nous. L’auteure prend garde à ne pas appesantir son récit ou à le prolonger plus que nécessaire, au contraire Le Châle de Marie Curie se lit agréablement en une soirée, porté par une écriture fluide, une mise en page aérée et l’approche tout en douceur de Déborah Lévy-Bertherat.