littérature belge, Rouergue

Debout dans l’eau – Zoé Derleyn – la brune au Rouergue

Debout dans l’eau est un livre écrit à hauteur d’enfant – d’une profondeur dont on oublie parfois que ces petits êtres sont dotés … La narratrice, abandonnée par sa mère, est une « enfant naturelle » – comme on les appelait à une époque où il n’en existait pas d’artificiels. Depuis ses deux ans, elle vit chez ses grands-parents, dans le Brabant flamand. À onze ans, elle partage ses journées entre le jardin, l’école et la maison où règne sa grand-mère, une femme pudique dont l’affection se manifeste un peu rugueusement. À l’étage gît son grand-père, un homme à l’ancienne, qui ne règne plus, lui, depuis que la maladie l’a pris et alité.

C’est une vie simple et quotidienne que celle de cette enfant : les repas, le soin du potager et du jardin, les promenades, les repas, les jeux plus ou moins doux avec les chiens, la visite quotidienne au vieillard mourant … Et aussi : l’observation passionnée – et rageuse à la fois – de Dirk, un jeune homme venu s’occuper du jardin ; et surtout : les bains dans l’étang.

Ce n’est pourtant pas une vie fade ou monotone : c’est une existence intense que celle de cette enfant qui habite le temps et ses gestes, ses instants et les lieux, d’une présence pleine, d’une curiosité ardente, d’un imaginaire puissant et d’une sensibilité fine et vibrante. Son regard la colore, la nuance, la moire, cette vie sans remous apparent – mais vivante d’une vie insoupçonnée, voilée, comme celle de l’étang – et c’est d’abord lui qui fait l’agrément et la valeur de ce premier roman, comme il fait ceux des heures sans fard.

C’est ensuite ce personnage d’enfant, cette gamine émouvante et étonnante, quelquefois ignorante de ce qui se trame en elle, sous la peau, et qui observe le monde et les adultes, et s’interroge. C’est aussi l’écriture sobre et imagée de Zoé Derleyn, son ton juste, sa façon de dire la matière et la chair du monde – des plantes, des animaux, des gens, de l’étang … C’est enfin sa manière de poser, comme une étoffe douce qu’on ne déplie pas mais dont l’un ou l’autre coin, glissant, se déploie, les sujets de son roman : la maladie et la mort, la filiation, les relations entre une enfant et ses grands-parents, la figure grand-paternelle, l’amour qui ne se dit guère ou manque, le silence et la parole retenue ou empêchée, la solitude, les préludes du désir …

C’est un beau roman que Debout dans l’eau. Un roman qui donne à songer, à rêver, à imaginer. Et un roman qui m’en a rappelé d’autres : l’étang, qui y est presque un personnage, et la relation profonde, sensuelle, curieuse et amoureuse, que la petite fille a noué avec lui, évoquent le magnifique La Comtesse des digues de Marie Gevers, avec Suzanne qui aime passionnément le fleuve, mais aussi Vie et mort d’un étang, pour le rôle que joue dans l’histoire cette eau trouble et miroitante. Pour le point de vue enfantin qui nous ramène au regard enchanté et enchanteur de l’enfance, j’y entendus quelques échos de Guldentop – tous deux de la même auteure, à découvrir si vous ne la connaissez pas !

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